Réflexion

Oui, il y a de la nostalgie !

Nous entendons souvent dire, dans les réunions du CRÉLOC, surtout lors des anniversaires et dans l’attente de la réouverture, c’est-à-dire l’attente du retour du train, que nous ne devrions pas « ressasser le passé ». C’est sans doute vrai, nous ne nous éclairons plus avec un fanal de garde-barrière, cependant il n’en demeure pas moins que la nostalgie est toujours un puissant moteur.

Le mot lui-même, « nostalgie », contient tout le programme du CRÉLOC, car il est bâti sur le grec nostos, « le retour » et algos, « la douleur ». C’est ce qui a mû Ulysse pour revenir à Ithaque, et on a vu comment il était « motivé », car la nostalgie est une puissante locomotive.

L’autorail Pau–Oloron dans la plaine d’Escout semble un modèle réduit,
cependant c’est bien lui qu’on remarque au cœur du paysage…

[photo François Rebillard, 2012]

et ça s’entend…

Pour s’en convaincre, et enfoncer le tire-fond sur cette question, on va se reporter à une vieille chanson d’André Claveau que la plupart d’entre-nous ont en tête. Nous n’insisterons pas davantage, car c’est une innocente chanson au premier abord, nous nous contenterons d’accentuer les mots qui nous parlent plus particulièrement.

Le petit train

André Claveau, paroles et musique de Marc Fontenoy, 1952.

Pour se rappeler l’air, voir un petit clip sur le navigateur

Un p’tit train s’en va dans la campagne
Un p’tit train s’en va de bon matin
On le voit filer vers la montagne
Tchi tchi fou, tchi tchi fou,
Plein d’entrain…

Dans les prés, il y a toujours des vaches
Étonnées de voir encore passer
Ce p’tit train qui lâche des panaches
Tchi tchi fou, tchi tchi fou,
De fumée…

La garde-barrière agite son drapeau rouge
Pour dire bon voyage au vieux mécanicien
Mais dans les wagons nuls voyageurs ne bougent
Car ils prennent tous le car et le train ne sert à rien

Le p’tit train qui veut croire aux miracles
L’air de rien s’en va en sifflotant
Et les veaux admirant le spectacle
Tchi tchi fou, tchi tchi fou
Sont contents…

Hélas, il y a des gens qui trouvent que c’est exagéré
De donner tant d’argent
pour qu’un p’tit train
Aille se promener…

Alors, ils lui ont dit, cette fois-ci, c’est bien fini
Profites-en, c’est ta dernière sortie…

Un p’tit train s’en va dans la campagne
Un p’tit train s’en va de bon matin
On le voit filer vers la montagne
Tchi tchi fou, tchi tchi fou,
Plein d’entrain…

Il revoit les champs et les rivières
Et les voies qui sentent bon l’été
Il revoit toutes les humbles chaumières
Tchi tchi fou, tchi tchi fou,
Dans les près…

Le train ralentit près de la garde-barrière
Et le mécanicien la salue de la main
Elle voit le feu rouge du wagon arrière
Qui s’éloigne doucement et se perd dans le lointain…

Le p’tit train a perdu la bataille
C’est la fin de ces belles flâneries

Il s’en va vers le tas de ferraille
Tchi tchi fou, tchi tchi fou,
C’est fini…

Mais plus tard, lassés des grands voyages
Nous penserons souvent au petit train
Qui flânait parmi les verts bocages
Tchi tchi fou, tchi tchi fou… tchiiiiiiiiiii !
Nous… le… regretterons… bien…

Oui, nous le regrettons. Le regret va de pair avec le « regrès », selon le mot d’Élisée Reclus (amateur orthézien du chemin de fer), nous avons pensé un moment que « le train ne sert à rien » et nous voyons aujourd’hui que le train est indispensable, il représente plus que jamais le progrès, un progrès mû par une puissante nostalgie qui se voit partout dans le monde, surtout à travers les ferrovipathes, et le ressentiment des brebis…

Ces brebis ont la noslagie du temps où elles empruntaient impunément le platelage
qui sera désormais la voie du retour vers Bedous, l’Ithaque aspois.
(On ne voit pas Polyphème qui les garde).
[photo François Rebillard, 2012]

 

Posted in Uncategorized.