Début mai 2010, une réunion internationale a eu lieu portant sur l’opportunité d’une traversée ferroviaire située au centre des Pyrénées aux alentours du méridien zéro. Nous avions déjà exprimé ici ce qu’un tunnel plus long et plus cher que le tunnel sous la Manche avait de pharaonique et d’illusoire, nous projetant alors dans un délai comparable à celui de la conquête de la planète Mars alors que les crises succèdent aux crises mondiales. Il est évident alors que la solution transitoire par Canfranc est de ce fait reconsidérée comme éminemment pragmatique dans l’actualité. Ce qui a été dit dans une communication commune avec la CREFCO :
L’heure du Canfranc
Nous avions rarement vu un tel déploiement de propagande, en faveur de la Traversée Centrale des Pyrénées (TCP), comme celui qui a précédé la réunion des ministres européens des Transports, qui s’est tenue à Saragosse ce début de semaine, avec des manifestations organisées à Tanger, Lisbonne et Madrid, aussi bien au point de vue institutionnel que médiatique. Et tout aussi rarement vu, un projet pourtant soutenu par le gouvernement régional aragonais (Diputación General de Aragón / DGA), obtenir un si piètre résultat, pour ne pas dire essuyer un sévère revers. Comme si l’absence du ministre français M. Borloo n ’avait pas suffi, la réponse du ministre espagnol de l’Équipement M. Blanco, à l’intervention du président aragonais M. Iglesias, ne fut que le prologue de l’implacable constat : le projet ne serait arrêté qu’en 2020, sans même que soit fixée la date des travaux du prétendu axe prioritaire 16 entre Sinés/Algerisas et Paris par Madrid et la TCP !
La crise économique a mis un coup d’arrêt à la politique de construction d’infrastructures de l’Europe, surtout en Espagne, lancée à fond, depuis des années, dans la construction d’aéroports tous azimuts, d’un des plus grands réseaux d’autoroutes et de la plus grande partie des lignes à grande vitesse du continent. Si on examine les prévisions du Plan Stratégique Infrastructure et Transports espagnol 2005-2020, force est de constater qu’elles sont surdimensionnées. Malgré tout, le développement économique et l’appui des fonds européens avaient permis de lancer, ces dernières années, de nombreux ouvrages de grandes dimensions, avec des coûts énormes. C’est dans ce contexte que la DGA a parié sur la TCP comme unique liaison avec le Nord de l’Europe, oubliant au passage la très logique revendication de réouverture du Canfranc.
Maintenant que le moratoire — ne vaudrait-il pas mieux pas mieux dire le refus ? — de l’Europe au sujet de la TCP est officiel, que le rêve de M. Iglesias d’être à l’origine d’un grand projet aragonais vient de se briser, il faut récupérer les aspects positifs de la coopération entre Aquitains et Aragonais, entre Français du Sud et Espagnols du Nord, pour dynamiser la situation : rouvrir le Canfranc. Le CRÉLOC (Comité pour la réouverture de la ligne Oloron–Canfranc) et la CREFCO (Coordination pour la réouverture du chemin de fer Canfranc–Oloron) ont déjà lancé un appel à toutes les forces politiques, sociales et économiques de chacune des deux Régions pour ouvrir un dialogue sincère, qui conduise le plus rapidement possible à résoudre notre actuel déficit en matière de voies de communication ferroviaires, avec un projet à la fois respectueux des milieux montagnards des Pyrénées et adapté à la réduction des ressources économiques.
Cet accord supposera des renoncements de part et d’autre. Les Aquitains doivent comprendre que les Aragonais ont besoin d’un passage efficace des marchandises vers le nord de l’Europe. Les Aragonais doivent comprendre que les Aquitains veulent défendre la qualité de vie et le tourisme dans les vallées pyrénéennes. Les deux aspirations sont nullement contradictoires et ont un point commun : que l’Espagne renonce à ce que la route N 330 et le tunnel routier du Somport soient une liaison internationale pour les marchandises, que la France rouvre le chemin de fer entre Oloron et Canfranc.
Déjà en mars 1999 nous avons proposé cette solution dans le « pacte du Somport », souscrit entre les organisations sociales des deux pays et les maires, à l’époque, de Canfranc et de Bedous.
Pour ceux qui douteraient encore de l’utilité de la ligne Pau–Canfranc–Saragosse, le récent rapport du Conseil Économique et Social d’Aragon (CESA) démontre que la réouverture du Canfranc serait une solution suffisante pour satisfaire la demande dans les deux ou trois prochaines décennies. Il serait possible d’opérer par étapes, en commençant par 1,5 millions de tonnes par an et en traction diesel, pour atteindre 4,47 millions de tonnes en traction électrique. Cet objectif est réalisable en trois ans avec un investissement entre 100 et 200 millions d’euros pour la partie française, selon les options retenues (traction diesel ou électrique, etc.). Le tout sans modifier le tracé, donc en respectant l’environnement.
Décidément, l’heure est au Canfranc. Il faut s’y mettre.
Alain Cazenave-Piarrot, président du CRÉLOC
Benjamin Casanova, porte-parole de la CREFCO